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Biothérapies

L'inflammation est une réaction naturelle du corps destinée à se défendre contre les bactéries, virus ou autres agressions. Les globules blancs produisent alors des substances inflammatoires qui provoquent rougeur, chaleur, douleur et gonflement pour lutter contre la menace. Une fois celle-ci éliminée, l'inflammation disparaît. Dans les maladies inflammatoires chroniques, l’inflammation devient excessive et mal dirigée : elle attaque certaines parties du corps sans raison apparente (articulations, peau, intestin). Cette inflammation persistante provoque douleurs, lésions et complications, avec des périodes de poussée et de rémission.

Les biothérapies (bDMARD  - biologic Disease-Modifying Anti-Rheumatic Drug) sont des médicaments issus d’organismes vivants, différents des médicaments traditionnels fabriqués par synthèse chimique. Elles sont conçues pour cibler précisément certaines molécules ou cellules du système immunitaire responsables de cette inflammation excessive, afin de réduire les symptômes et limiter les dommages sur les organes concernés. 

Il est important de noter que ces traitements ne guérissent pas la maladie, mais permettent de contrôler les symptômes et de préserver la qualité de vie en freinant la progression de la maladie.

Qu’est-ce qu’une biothérapie ?

Une biothérapie est un traitement utilisant des médicaments biologiques ou biotechnologiques
Aujourd’hui, le terme « biothérapie » est le plus souvent réservé aux médicaments biotechnologiques, fabriqués à partir de molécules comme des anticorps, vaccins ou facteurs de croissance, ce qu’on appelle la biothérapie moléculaire.

La biothérapie ne se limite pas aux médicaments moléculaires. Elle englobe également d’autres approches innovantes :

  • Thérapies géniques : modification de gènes existants ou injection de nouveaux gènes directement dans l’ADN pour traiter certaines maladies génétiques, comme la myopathie de Duchenne.
  • Thérapies cellulaires : injection de cellules pour corriger ou restaurer une fonction défaillante, par exemple dans certaines maladies sanguines génétiques ou pour réparer la cornée de l’œil.
  • Thérapies tissulaires : utilisation de tissus vivants pour remplacer un tissu détruit ou défaillant, comme les greffes de peau après brûlures ou les greffes de cornée.

Classification

  • csDMARD : méthotrexate, léflunomide, sulfasalazine, hydroxychloroquine.
  • bDMARD : biothérapies ciblées (anti-TNF, anti-IL-6, anti-IL-17, anti-IL-23, anti-CD20, abatacept, bélimumab...).
  • tsDMARD : inhibiteurs de JAK (tofacitinib, baricitinib...) et aprémilast.

Parmi les biothérapies (bDMARD), on distingue les originaux (boDMARD) et les biosimilaires (bsDMARD), disponibles en France depuis 2016. Les biosimilaires sont des copies des molécules originales, dont l’efficacité et la tolérance ont été démontrées dans au moins un essai clinique comparatif, équivalents en efficacité et sécurité, mais souvent moins coûteux. 

Types de biothérapies

  • Anti-TNF (infliximab, adalimumab, etanercept…) : rhumatologie, dermatologie, gastro-entérologie. Ciblent le TNF-alpha.
  • Anti-IL-6 (tocilizumab…) : polyarthrite rhumatoïde, maladies systémiques. Agissent sur l’interleukine 6.
  • Anti-IL-17, Anti-IL-23 (secukinumab, ustekinumab…) : psoriasis, spondyloarthrites. Ciblent les voies inflammatoires cutanées et articulaires.
  • Anti-CD20 (rituximab…) : maladies auto-immunes et hématologiques. Ciblent les lymphocytes B.
  • Autres anticorps ciblés (anti-IgE, anti-IL-5, anti-IL-4/13…) : asthme sévère, allergies chroniques.
  • Inhibiteurs de JAK (Janus Kinases) : tofacitinib, baricitinib, upadacitinib.

Les inhibiteurs de JAK (tsDMARD) ne sont pas des biothérapies au sens strict, car ce sont des petites molécules de synthèse administrées par voie orale. Cependant, ils font partie des thérapies ciblées utilisées dans les mêmes indications que certaines biothérapies, notamment la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique ou la rectocolite hémorragique. Ils bloquent l’activité des enzymes JAK impliquées dans la transmission des signaux inflammatoires à l’intérieur des cellules.

Les grandes familles de biothérapies

Les biothérapies peuvent être regroupées en trois grandes familles, selon leur mode d’action global.

Famille Principe d’action Exemples de médicaments
Renforcer une fonction naturelle insuffisante Apporter ou stimuler une fonction que l’organisme ne produit pas assez (hormones, enzymes, facteurs de croissance ou de coagulation). Insuline (diabète), hormone de croissance (retards de croissance),
Asfotase (hypophosphatasie génétique), alglucosidase (maladie de Pompe),
Facteur VIIa recombinant (hémophilie),
EPO/érythropoïétine (anémies), filgrastim (stimulation globules blancs).
Corriger une fonction naturelle défaillante Corriger une anomalie génétique qui empêche la bonne fabrication d’une protéine ou d’une enzyme. Nusinersen, eteplirsen (maladies musculaires héréditaires comme la myopathie de Duchenne).
Bloquer une fonction nocive ou mal régulée Inhiber une activité biologique excessive ou délétère (inflammation, prolifération anormale de cellules ou vaisseaux). Anti-TNF alpha : infliximab, etanercept (inflammation chronique),
Immunomodulateurs : rituximab, tocilizumab (auto-immunité),
Anti-VEGF : sorafenib, aflibercept (DMLA),
Inhibiteurs de kinases : baricitinib, tofacitinib (cancers, maladies inflammatoires).

Les biothérapies se distinguent par leur mode de fabrication (biologique et biotechnologique). Elles ne sont pas limitées à une seule catégorie de pathologies et concernent aujourd’hui un champ thérapeutique très large.

Maladies chroniques et inflammatoires

Initialement développées pour les maladies chroniques, elles s’adressent désormais à de nombreuses affections :

  • asthme sévère
  • eczéma
  • migraine
  • diabète
  • psoriasis
  • dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)
  • maladie de Crohn
  • rectocolite hémorragique
  • retards de croissance

Maladies auto-immunes et invalidantes

Les biothérapies ont transformé la prise en charge de pathologies invalidantes en améliorant la qualité de vie et en freinant les lésions articulaires. Elles permettent parfois d’envisager une rémission ou au moins d’interrompre la dégradation progressive. Les indications concernent notamment :

  • sclérose en plaques
  • polyarthrite rhumatoïde
  • spondylarthrite ankylosante
  • rhumatisme psoriasique

Ces maladies, responsables de douleurs, de raideurs et de déformations articulaires, étaient auparavant très difficiles à contrôler. Les biothérapies (anti-TNF alpha, anticorps monoclonaux…) ont marqué un tournant majeur dans leur traitement.

Cancers

Les anticorps monoclonaux ont également révolutionné la cancérologie. Utilisés seuls ou en association avec une chimiothérapie classique, ils ciblent des anomalies présentes uniquement sur les cellules tumorales. Cela permet d’accroître l’efficacité du traitement tout en réduisant les effets toxiques généraux.

Ils interviennent notamment dans le traitement de :

  • lymphomes
  • cancers ORL
  • cancer du côlon
  • cancer du sein
  • cancer de l’ovaire
  • cancer du rein
  • cancer du poumon

En France, la prescription des médicaments de biothérapie est encadrée par des règles spécifiques. Cela dépend du type de médicament, de la pathologie traitée et du cadre de prescription.
Depuis 2024, certaines biothérapies sous‑cutanées peuvent désormais être commencées en ville par des spécialistes. 

Médecins spécialistes hospitaliers

Certains médicaments de biothérapie doivent être prescrits et renouvelés uniquement par des médecins spécialistes hospitaliers. Exemples de spécialités concernées :

  • Rhumatologie
  • Pédiatrie
  • Médecine interne
  • Gastro-entérologie et hépatologie
  • Dermatologie
  • Ophtalmologie

Par exemple, le médicament IDACIO (biosimilaire de l'adalimumab) nécessite une prescription initiale hospitalière.

Médecins spécialistes en ville

Certains médicaments peuvent également être prescrits en ville par des médecins spécialistes, selon l'indication thérapeutique. Exemples : adalimumab, canakinumab, étanercept.

Médecins généralistes

Les médecins généralistes peuvent renouveler certains traitements de biothérapie, mais cela dépend des conditions spécifiques à chaque médicament.

Médicaments d'exception et ordonnance spécifique

Les médicaments de biothérapie sont souvent classés comme "médicaments d'exception", soumis à des conditions particulières de prescription et de remboursement. Ils doivent être prescrits sur une ordonnance spécifique appelée "ordonnance de médicaments ou de produits et prestations d'exception".

Substitution par le pharmacien

Les pharmaciens peuvent remplacer certains médicaments biologiques par des biosimilaires si le médecin n'a pas indiqué "non substituable" sur l'ordonnance. Le médecin doit informer le patient de cette possibilité.

Bilan pré-thérapeutique

Les biothérapies sont envisagées uniquement en cas d’échec, d’insuffisance ou de mauvaise tolérance aux traitements conventionnels de première intention (comme le méthotrexate), ou lorsqu’aucune alternative efficace n’existe. La prescription initiale des biothérapies se fait généralement par un médecin spécialiste à l’hôpital, qui évalue l’activité de la maladie et réalise un bilan pré-thérapeutique obligatoire complet.

Ce bilan comprend :

  • Prise de sang complète : recherche de signes d’infection et contrôle des principaux paramètres.
  • Recherche d’infections latentes ou anciennes :
    • Dépistage de la tuberculose (test cutané, radiographie pulmonaire +/- scanner thoracique)
    • Sérologies virales : hépatites B et C, VIH, parfois virus herpès ou VZV
    • Bilan dentaire et gynécologique
  • Mises à jour des vaccinations : grippe, pneumocoque, parfois coqueluche, hépatite B, papillomavirus. Idéalement avant le début du traitement.

Ce bilan est essentiel pour réduire les risques infectieux liés au traitement et garantir la sécurité de la biothérapie.

Après initiation, le traitement peut être renouvelé à l’hôpital ou, selon les cas, en cabinet de ville par un spécialiste compétent. Le médecin traitant non spécialiste ne peut généralement pas assurer ce renouvellement.

Un suivi régulier est indispensable pour évaluer l’efficacité du traitement et ajuster la prise en charge.

Modes d’administration

Les biothérapies étant des protéines, elles ne peuvent pas être prises par voie orale car elles seraient détruites dans le tube digestif. Elles doivent donc être administrées par injection :

  • Voie intraveineuse (perfusion) : réalisée à l’hôpital ou en centre spécialisé, sur une durée de plusieurs dizaines de minutes à plusieurs heures, selon la molécule.
  • Voie sous-cutanée : injection réalisée soit en structure médicale, soit en auto-injection après formation adaptée. Elle se fait généralement avec des stylos préremplis ou des seringues.
  • Voie intramusculaire : beaucoup plus rare, utilisée notamment pour certains interférons (par exemple l’interféron bêta-1a dans la sclérose en plaques). La majorité des biothérapies actuelles restent administrées en intraveineux ou en sous-cutané.
 

Situations particulières : Conseils et précautions

 

 

  • Les vaccins vivants (varicelle, fièvre jaune, ROR, BCG) sont contre-indiqués.
  • Les vaccins inactivés (grippe, pneumocoque, COVID-19, tétanos, hépatite) sont recommandés, mais parfois moins efficaces.
  • Idéalement, les vaccins doivent être mis à jour avant de commencer la biothérapie.

Les biothérapies modifient le fonctionnement du système immunitaire, ce qui augmente le risque de développer des infections, parfois rapidement évolutives. Comprendre les signes d’alerte et savoir comment réagir est essentiel pour préserver la santé et l’efficacité du traitement.

Signes d’alerte

  • Fièvre ou frissons inexpliqués
  • Fatigue intense ou inhabituelle
  • Toux persistante ou difficultés respiratoires
  • Sueurs nocturnes importantes
  • Douleurs ou brûlures urinaires
  • Plaies qui s’infectent ou cicatrisent mal

Que faire en cas de suspicion d’infection

  • Contacter immédiatement le médecin ou l’équipe spécialisée.
  • Ne jamais interrompre le traitement sans avis médical.
  • Suivre les examens et traitements prescrits rapidement pour éviter une aggravation.

Pourquoi c’est important

Une infection non détectée ou non traitée peut évoluer rapidement et entraîner des complications sévères. Une prise en charge rapide permet :

  • De limiter la propagation de l’infection
  • De protéger l’efficacité de la biothérapie
  • De prévenir les hospitalisations et les complications graves

L’auto-injection est une technique souvent utilisée avec les biothérapies administrées par voie sous-cutanée. Elle nécessite une bonne formation et un strict respect des règles d’hygiène :

  • Préparation : Sortir le médicament du réfrigérateur suffisamment à l’avance, se laver soigneusement les mains, préparer le matériel (seringue ou stylo pré-rempli, compresses alcoolisées).
  • Choix du site d’injection : Alterner les zones d’injection (abdomen, bras, cuisses) pour éviter les irritations ou réactions locales.
  • Réalisation de l’injection : Désinfecter la zone, injecter le médicament en suivant la technique enseignée, comprimer le site après l’injection.
  • Élimination sécurisée : Jeter le matériel usagé dans une boîte à aiguilles spécifique (exemple : boîte DASTRI), fournie gratuitement en pharmacie.
  • Suivi : Tenir un journal de bord des injections (date, site) et signaler toute réaction anormale au médecin.

Contraception, grossesse, allaitement

  • Contraception : Les femmes en âge de procréer doivent impérativement utiliser une contraception efficace et continue pendant toute la durée du traitement.
  • Grossesse et désir d’enfant : De nombreuses biothérapies sont contre-indiquées pendant la grossesse. Des adaptations thérapeutiques sont nécessaires avant la conception. Il est essentiel d’en parler avec son médecin avant de débuter ou de poursuivre la biothérapie.
  • Allaitement : L’allaitement maternel n’est généralement pas recommandé sous traitement biothérapeutique. Cette question doit être discutée avec un professionnel de santé pour évaluer le rapport bénéfice/risque.
  • Certains traitements peuvent aussi nécessiter une interruption avant conception chez les hommes, selon le médicament utilisé.

La prise d’une biothérapie modifiant les défenses immunitaires, elle augmente les risques infectieux lors d’interventions chirurgicales ou de soins dentaires invasifs.

  • Il est impératif de prévenir le médecin avant toute opération programmée. Selon le type de chirurgie et la biothérapie, un arrêt du traitement est nécessaire plusieurs semaines à plusieurs mois avant l’intervention, afin de réduire le risque infectieux.
  • La reprise du traitement ne se fait qu’après cicatrisation complète et sans signe d’infection.
  • En cas de chirurgie urgente, informez immédiatement le médecin et les équipes soignantes, le traitement pourra être suspendu temporairement.
  • Une bonne hygiène bucco-dentaire et un suivi régulier chez le dentiste sont recommandés.
  • Pour des soins dentaires simples (caries, détartrage), le traitement ne nécessite pas d’arrêt, mais en cas d’intervention lourde, un arrêt temporaire peut être prescrit.

Lors d’un déplacement, certaines précautions sont indispensables pour voyager sereinement sous biothérapie :

1. Transport du traitement

  • Conservez vos médicaments dans leur emballage d’origine (boîte + notice).
  • Transportez-les toujours en bagage à main, jamais en soute.
  • Prévoyez une trousse isotherme adaptée avec suffisamment de packs congelés pour maintenir la chaîne du froid durant tout le voyage.
  • Pensez à congeler les packs plusieurs heures avant le départ.

2. Documents indispensables

  • Ayez sur vous une ordonnance et/ou un certificat médical, de préférence traduits en anglais.
  • Selon la compagnie, il peut être nécessaire de déclarer vos médicaments dès l’enregistrement.

3. Anticiper avec la compagnie aérienne

Contactez la compagnie en amont pour connaître ses règles exactes concernant le transport de médicaments et dispositifs médicaux (seringues, stylos injecteurs, etc.).

4. Vaccins et précautions sanitaires

  • Vérifiez les vaccinations obligatoires ou recommandées dans le pays de destination.
  • Les vaccins vivants sont contre-indiqués sous biothérapie.
  • Discutez avec votre médecin de la stratégie vaccinale adaptée avant le départ.

5. Hygiène et prévention des infections

  • Buvez uniquement de l’eau potable (évitez eau du robinet, glaçons, aliments crus à risque).
  • Protégez-vous contre les piqûres d’insectes (moustiquaires, répulsifs, vêtements longs).
  • Respectez une hygiène stricte (lavage des mains, désinfection des plaies).

6. Gestion des dispositifs médicaux usagés

  • Conservez aiguilles et seringues dans un container sécurisé.
  • Ne les jetez jamais dans les poubelles classiques.
  • À l’étranger, respectez la réglementation locale ou rapportez-les en pharmacie en France.

7. Vérifier la disponibilité du traitement

Avant votre départ, renseignez-vous sur la possibilité d’obtenir votre traitement dans une pharmacie locale (en France comme à l’étranger), afin de limiter le transport sur de longs trajets.

8. Trousse de secours personnelle

Prévoyez une petite trousse contenant : désinfectant, petits ciseaux à bouts ronds, compresses stériles, pansements, thermomètre et vos traitements habituels pour parer aux incidents du quotidien.

 

PASSEPORT VOYAGE

PASSEPORT VOYAGE 2

Télécharger le passeport-voyage-biotherapie.pdf

À retenir

  • Ne jamais arrêter seul la biothérapie, même si les symptômes s’améliorent.
  • Surveiller les signes d’infection et consulter rapidement en cas de doute.
  • Respecter le stockage et la manipulation des médicaments (réfrigération, hygiène, élimination du matériel).
  • Mettre à jour les vaccinations et prévenir le médecin avant chirurgie ou soins dentaires invasifs.
  • Discuter contraception, grossesse et allaitement avec le spécialiste avant de débuter ou poursuivre le traitement.
  • Tenir un carnet ou application pour noter les injections et effets ressentis.
  • En voyage, prévoir une ordonnance traduite si nécessaire et vérifier les règles de transport des médicaments.

Fiche rédigée par Francine Taillandier. Mise en ligne le 15-09-2025