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Grossesse après une greffe d'organe

Au cours des deux dernières décennies, la transplantation d’organes s’est imposée comme un traitement de référence, permettant une amélioration significative de la survie et de la qualité de vie chez les patients atteints d’insuffisance organique terminale. Cette évolution a conduit un nombre croissant de personnes transplantées en âge de procréer à exprimer le souhait de mener une grossesse.

1. Quelles conséquences pour l’organe greffé et pour la grossesse ?

Dans la majorité des cas, l’organe greffé tolère bien la grossesse, à condition que la fonction de l’organe soit stable avant la conception et qu’un suivi immunologique rigoureux soit mis en place.

Cependant, les femmes transplantées enceintes présentent un risque accru de complications, en particulier :

  • L’hypertension artérielle (HTA) ;
  • La prééclampsie, définie par l’association d’une HTA et d’une protéinurie, potentiellement grave pour la mère et le fœtus.

2. Quel impact sur la gestion des immunosuppresseurs ?

La grossesse induit plusieurs modifications physiologiques significatives :

  • Une augmentation du débit cardiaque et de la volémie de 30 à 50 % ;
  • Une diminution de la clairance rénale, altérant l’élimination de certains médicaments.

Ces modifications nécessitent généralement :

  • Un ajustement des posologies des traitements immunosuppresseurs ;
  • La réalisation de bilans biologiques réguliers.

Par ailleurs, certains médicaments doivent être modifiés ou arrêtés, en raison de leur toxicité potentielle pour le fœtus :

  • Les immunosuppresseurs contre-indiqués pendant la grossesse et à arrêter au moins 6 semaines avant la conception sont le mycophénolate mofétil, le sirolimus et l’everolimus ;
  • Les immunosuppresseurs autorisés sont : la ciclosporine, le tacrolimus, la prednisone et l’azathioprine.

Ainsi, les recommandations préconisent généralement un schéma immunosuppresseur par trithérapie avec :

  • Un corticostéroïde ;
  • Un inhibiteur de la calcineurine (tacrolimus ou ciclosporine) ;
  • L’azathioprine.

3. Quelle prise en charge pendant la grossesse ?

Un suivi pluridisciplinaire rapproché est indispensable tout au long de la grossesse, comprenant :

  • Un médecin greffeur, chargé de la surveillance du greffon et de l’adaptation du traitement ;
  • Un obstétricien spécialisé en grossesses à haut risque, en charge du suivi obstétrical ;
  • Une sage-femme, qui assure la préparation à la naissance et facilite la coordination entre les professionnels ;
  • Un pharmacien, qui participe à l’évaluation des interactions et à l’ajustement thérapeutique.

Les consultations sont planifiées toutes les 4 à 6 semaines, voire davantage en cas de complication.

4. Existe-t-il des spécificités selon l’organe greffé ?

Le type d’organe greffé, le délai écoulé depuis la transplantation ainsi que la cause initiale de la défaillance d'organe influencent fortement le déroulement de la grossesse. De manière générale, en cas de : 

La transplantation rénale est la situation la plus fréquemment rencontrée chez les femmes enceintes transplantées. Dans la majorité des cas, la grossesse est bien tolérée. Toutefois, elle s’accompagne d’un risque accru de :

  • Prééclampsie dans environ 30 % des cas ;
  • Accouchement prématuré, dans 30 à 70 % des cas selon les études ;
  • Retard de croissance intra-utérin (RCIU), observé dans 10 à 15 % des cas.

La planification d’une grossesse chez une patiente transplantée rénale doit respecter certains critères :

  • Un délai minimal de 12 à 24 mois après la greffe ;
  • Une fonction rénale stable, avec une créatininémie inférieure à 1,5 mg/dL ;
  • L’absence de rejet aigu récent.

Pendant la grossesse, le suivi comprend notamment :

  • Un contrôle régulier de la pression artérielle et de la protéinurie, pour dépister toute atteinte du greffon ou début de prééclampsie ;
  • Une planification de l’accouchement dans une maternité de niveau 3, apte à gérer les grossesses à haut risque ;
  • Un dépistage systématique du diabète gestationnel, à réaliser également en post-partum.

La transplantation hépatique est la deuxième situation la plus fréquente de grossesse chez les femmes transplantées.
Dans la majorité des cas, la grossesse est bien tolérée, à condition que la fonction hépatique soit stabilisée avant la conception.

Les principaux risques maternels et fœtaux identifiés sont :

  • Une augmentation du risque d’hypertension artérielle et de prééclampsie, quoique moins fréquente qu’après une greffe rénale
  • Une probabilité accrue d’accouchement prématuré ;
  • Un retard de croissance intra-utérin, dans environ 10 à 20 % des cas ;
  • Une élévation transitoire des transaminases ou une récidive d’hépatopathie auto-immune chez certaines personnes.

Avant toute conception, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Un délai minimal de 12 mois après la greffe ;
  • Une fonction hépatique stable, sans signe de dysfonction chronique du greffon ;
  • Absence de rejet aigu récent, d’infections actives ou de récidive de la pathologie initiale.

Le suivi pendant la grossesse inclut notamment :

  • Un contrôle tensionnel régulier et un dépistage de la prééclampsie ;
  • Une prise en charge obstétricale de type maternité de niveau 2 ou 3, en fonction des antécédents et de l’évolution.

La transplantation cardiaque constitue une situation plus rare, mais des grossesses menées à terme avec succès sont régulièrement rapportées.
La grossesse est envisageable chez les femmes greffées cardiaques, sous réserve d’une stabilité clinique rigoureuse.
Elle expose néanmoins à un risque accru de complications, notamment :

  • Une insuffisance cardiaque décompensée, en particulier en cas de dysfonction ventriculaire gauche préexistante ;
  • Une hypertension artérielle gravidique ou une prééclampsie, relativement fréquentes ;
  • Une détérioration de la fonction rénale ;
  • Un accouchement prématuré, dans 30 à 50 % des cas selon les études ;
  • Un risque de troubles du rythme cardiaque, durant la grossesse ou en post-partum.

En plus de la surveillance des immunosuppresseurs, une vigilance particulière doit être portée à la prise en charge cardiovasculaire, notamment :

  • L’ajustement des traitements antihypertenseurs, avec l’arrêt des molécules contre-indiquées : IEC, ARA2, diurétiques thiazidiques ;
  • La prévention des troubles du rythme et des complications thromboemboliques si indication.

Dans le cadre d'une transplantation cardiaque, la grossesse doit être hautement planifiée. Elle doit survenir :

  • Un délai minimal de 12 à 24 mois après la transplantation ;
  • Une fonction cardiaque stable, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 45 % ;
  • L’absence de rejet aigu récent, de troubles du rythme non contrôlés ou d’hypertension pulmonaire sévère.

Pendant la grossesse, le suivi pluridisciplinaire comprend :

  • Un suivi régulier du greffon avec ECG et échocardiographie ;
  • Un contrôle tensionnel régulier et un dépistage de la prééclampsie ;
  • Une prise en charge dans une maternité de niveau 3, disposant d’un service de réanimation néonatale ;
  • Un suivi rapproché en post-partum, période à haut risque de décompensation cardiaque.

La grossesse après une transplantation pulmonaire est une situation rare, mais des grossesses menées à terme avec succès sont régulièrement rapportées, généralement chez des femmes avec une mucoviscidose.
Cette situation est cependant considérée comme à haut risque. Les complications observées sont :

  • Une détérioration de la fonction respiratoire et un risque accru d’infections pulmonaires ;
  • Un possible rejet humoral déclenché pendant la grossesse ou en post-partum ;
  • Une HTA gravidique ou une prééclampsie ;
  • Un accouchement prématuré, fréquent dans les séries publiées.

En plus de la surveillance des immunosuppresseurs, une vigilance particulière s’impose concernant le risque infectieux, avec une prophylaxie adaptée si nécessaire (ex. : cotrimoxazole, antiviraux, antifongiques).

La grossesse doit être précautionneusement planifiée après une transplantation pulmonaire. Les conditions minimales requises sont :

  • Un délai d’au moins 2 ans après la greffe ;
  • Une fonction pulmonaire stable, avec un VEMS ≥ 50 % de la valeur théorique ;
  • L’absence d’infections pulmonaires récurrentes, d’hypertension pulmonaire ou de rejet aigu récent.

Pendant la grossesse, le suivi comprend :

  • Une surveillance régulière de la fonction respiratoire (VEMS, gaz du sang) ;
  • Une prise en charge dans une maternité de niveau 3, équipée pour les situations complexes ;
  • Un suivi rapproché en post-partum, période critique pour la survenue d’infections ou de dégradation de la fonction pulmonaire.

Les autres greffes d’organes, comme la greffe du pancréas ou la greffe cœur-poumon, sont rares. En cas de grossesse, celle-ci nécessite également une prise en charge est effectuée par des équipes spécialisées avec :

  • La mise en place d’un suivi rapproché du greffon, qui prend en compte les antécédents médicaux personnels ainsi que les données scientifiques ; 
  • L’évaluation des risques pour la femme et le fœtus, avec la proposition d’un suivi obstétricale dans une maternité de catégorie 3 ;
  • L’adaptation des traitements médicamenteux, dont les immunosuppresseurs,  avec comme ressources utiles à cet effet le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT).

 


Fiche rédigée par Lea Kautzmann et Camille Racca. Mise en ligne le 04-07-2025.

Sources