Draw Your Fight

Les douleurs nociplastiques

1. Qu’est-ce que les douleurs nociplastiques ?

Les douleurs nociplastiques constituent une troisième catégorie de douleur, aux côtés des douleurs nociceptives et neuropathiques. Bien que longtemps ignorées, elles sont désormais reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l’IASP (International Association for the Study of Pain).

Ces douleurs sont liées à une altération du fonctionnement des systèmes de modulation de la douleur au niveau du système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Il n'existe pas de lésion au niveau des tissus (comme les douleurs nociceptives) ou du système nerveux (comme les douleurs neuropathiques). 

Généralement, les personnes concernées décrivent des douleurs diffuses, mal localisées, aggravées par le stress, la fatigue, ou certains stimuli sensoriels (bruits, lumière). Ces douleurs s’accompagnent souvent d’une hypersensibilité à la douleur (hyperalgésie) ou de douleurs provoquées par des stimuli normalement indolores, comme le toucher (allodynie).

L’absence de « cause visible » ne signifie pas que ces douleurs sont "imaginaires", "psychogènes" ou "fabulées". Elles sont biens réelles et résultent de l’interaction complexe entre des facteurs biologiques, physiques, sociaux et psychologiques.

2. Quelles en sont les causes ?

Les douleurs nociplastiques peuvent être primaires ou secondaires.

  • Douleurs nociplastiques primaires : elles apparaissent sans cause identifiable de lésion ou d’inflammation, et sont liées d’emblée à une altération du traitement de la douleur par le système nerveux central.
  • Douleurs nociplastiques secondaires : elles résultent de douleurs chroniques initialement mécaniques, inflammatoires ou neuropathiques, qui persistent même après la guérison ou la stabilisation de la cause initiale. Le système nerveux, sensibilisé de manière prolongée, continue de produire une douleur sans stimulation pathologique active.

Parmi les formes les plus fréquentes de douleurs nociplastiques primaires, on retrouve :

  • La fibromyalgie : caractérisée par des douleurs diffuses, une fatigue intense, des troubles du sommeil et une hypersensibilité généralisée.
  • Le syndrome de l’intestin irritable (SII) : associant des troubles du transit (diarrhée, constipation) à des douleurs abdominales chroniques, sans lésion ni inflammation identifiable.
  • La vulvodynie et l’hypersensibilité pelvienne primaire : douleurs persistantes du périnée, de la vulve ou du petit bassin, sans anomalie anatomique ou infectieuse retrouvée.
  • Les dysfonctions temporo-mandibulaires : douleurs chroniques des mâchoires, souvent accompagnées de céphalées, de douleurs cervicales ou de bruxisme, en l’absence d’anomalie articulaire objectivable.

Ces syndromes partagent souvent des caractéristiques communes : douleurs mal localisées, hypersensibilité sensorielle, fatigue chronique, troubles du sommeil, anxiété ou troubles digestifs associés.

3. Quels en sont les retentissements ?

Les douleurs nociplastiques sont invisibles aux examens médicaux classiques (IRM, radiographies, bilans sanguins). Cette absence de marqueur objectif peut entraîner une errance médicale prolongée, un sentiment d’incompréhension ou une mise en doute de la part de l’entourage comme des professionnels de santé.

Leur impact sur la qualité de vie est souvent important :

  • Fatigue chronique, troubles du sommeil, brouillard cognitif (difficultés de concentration, de mémoire) ;
  • Limitation des activités quotidiennes, avec des répercussions sur la vie personnelle, sociale et professionnelle ;
  • Troubles de l’humeur fréquents : anxiété, irritabilité, épisodes dépressifs ;
  • Isolement, baisse de l’estime de soi, et difficulté à se projeter dans l’avenir.

L’ensemble de ces répercussions tend à renforcer le cercle douleur–fatigue–anxiété, rendant la prise en charge plus complexe.

4. Quelle en est la prise en charge ?

Il n’existe pas de traitement unique des douleurs nociplastiques. La prise en charge repose sur une approche globale, centrée sur les besoins de la personne et la compréhension du mécanisme douloureux. L'objectifs principaux sont de restaurer les capacités fonctionnelles et d'améliorer la qualité de vie.

A. Approches non médicamenteuses

  • Éducation thérapeutique : mieux comprendre sa douleur permet de mieux la gérer, de réduire la peur et d’adopter des stratégies actives face à la douleur.
  • Activité physique progressive et adaptée : le reconditionnement à l’effort est essentiel pour lutter contre la peur du mouvement, qui entretient le cercle douleur–inactivité–fatigue.
  • Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : ces thérapies permettent de réduire l’impact émotionnel de la douleur, d’identifier les pensées limitantes ou erronées, et de retrouver un sentiment de contrôle.
  • Approches psychocorporelles : hypnose, relaxation, sophrologie, méditation de pleine conscience… Elles participent à un apaisement global en réduisant le stress, en améliorant le sommeil et en modulant les réponses douloureuses.
  • Stimulation électrique transcutanée (TENS) : technique utilisant de légères impulsions électriques pour bloquer les signaux de douleur et favoriser la libération d’endorphines
  • Stimulation magnétique transcrannienne (rTMS) :technique non invasive utilisée dans certains centres spécialisés, qui module l’activité neuronale de zones impliquées dans la perception de la douleur.

B. Traitements médicamenteux

Il n’existe à ce jour aucun médicament spécifiquement indiqué dans les douleurs nociplastiques. Toutefois, certaines molécules utilisées dans les douleurs neuropathiques peuvent être efficaces chez certains patients :

  • Antidépresseurs tricycliques (ex : amitriptyline) ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ex : duloxétine), qui agissent sur les circuits de modulation de la douleur.
  • Antiépileptiques (ex : gabapentine, prégabaline), qui peuvent réduire l’hyperexcitabilité neuronale associée à ces douleurs.

La prescription médicamenteuse reste individualisée, en tenant compte du profil de la personne, de ses comorbidités, et du bénéfice ressenti. 


Fiche rédigée par Camille Racca. Mise en ligne le 14-06-2025.

 

Sources :