Les Dermatoses Bulleuses

Qu’est ce que les dermatoses bulleuses?

Les dermatoses bulleuses regroupent un ensemble de maladies rares de la peau caractérisées par l'apparition de bulles remplies de liquide clair ou ou de sang.

Ces pathologies sont souvent chroniques et invalidantes. Elles peuvent survenir à tout âge et touchent parfois les muqueuses (bouche, gorge, organes génitaux).

Il existe plusieurs formes :

1. Les dermatoses bulleuses auto-immunes

Les dermatoses bulleuses auto-immunes sont liées à un dysfonctionnement du système immunitaire qui s'attaque aux constituants normaux de la peau. 

Les principaux types sont :

La pemphigoides bulleuse est la plus fréquente des dermatoses bulleuses auto-immunes. Elle survient généralement chez la personne âgée.

Elle se caractérise par la présence de bulles tendues sur une peau rouge et prurigineuse (plaques urticariennes). Les lésions des muqueuses sont rares.

La pemphigoides bulleuse est liée à la présence d’anticorps anti-BP180/BP230 qui cible certaines protéines de la membrane basale, structure qui se situe entre la couche superficielle de la peau et la couche sous-jacente.

 

Le pemphigus entraîne des bulles flasques sur une peau d’apparence saine et peut s’accompagner de lésions au niveau des muqueuses, particulièrement des érosions buccales douloureuses.

Il se caractérise également par un décollement de la peau d’apparence saine au frottement (signe de Nikolsky) et la présence d’anticorps anti-desmogléine dans le sang.

Le pemphigus est lié à la destruction de certains constituants des desmosomes, qui unissent solidement les cellules de la peau entre elles. 


 

La dermatite herpétiforme touche préférentiellement les personnes entre 20 et 45 ans. Elle est étroitement liée à la maladie cœliaque, une maladie auto-immune qui entraîne une intolérance au gluten.

Elle se caractérise par la formation de cloques rouges avec de fortes démangeaisons et des gonflements. Les lésions des muqueuses sont rares.

La dermatite herpétiforme est associée à la présence d’anticorps anti-transglutaminases dans le sang et impose la recherche d’une maladie coeliaque si celle-ci n’est pas connue. 


 

La dermatose IgA linéaire touche majoritairement les enfants et est liée à la présence de dépôts d’auto-anticorps IgA au niveau de certains composants de la peau, particulièrement la jonction entre le derme et l’épiderme.
Il arrive qu’elle soit induite par la prise de vancomycine, un antibiotique, ou associée à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin.  
La dermatose IgA linéaire entraîne généralement des vésicules ou des bulles disposées “en rosette” sur une peau inflammatoire.

 


 

La pemphigoïde gestationis est couramment appelée la pemphigoïde de la grossesse. En effet, elle débute généralement au 2e ou 3e trimestre de la grossesse, avec une sensation de grattage intense et de plaque rouge au niveau du ventre.

Elle entraîne ensuite l’apparition de bulles, au niveau du ventre, sur les plaques urticariennes. Il n’y a généralement pas de risque pour le bébé.

La pemphigoïde de la grossesse est liée à la présence d’anticorps anti-BPAG2, qui s'attaquent à la protéine BPAG2 au niveau de la jonction entre deux couches de la peau.


 

L’épidermolyse bulleuse acquise est une maladie incurable qui atteint à la fois la peau et les muqueuses.

Les signes sont variables. Le tableau clinique classique rappelle celui d'une épidermolyse bulleuse dystrophique héréditaire (voir ci-dessous) avec une fragilité de la peau, des cloques, des érosions et des cicatrices. 

Il peut également s’agir : 

  • d’une éruption bulleuse inflammatoire rappelant celle de la pemphigoïde bulleuse (voir ci-dessus)
  • d’une forme affectant principalement les muqueuses, avec des vésicules, des érosions et des cicatrices surtout au niveau des œils.
  • d’un tableau proche de la dermatose bulleuse à IgA et la dermatite herpétiforme

L’épidermolyse bulleuse acquise est causée par des auto-anticorps contre le collagène de type VII de la peau. Elle s’associe souvent aux maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ou au lupus érythémateux disséminé.


 

La pemphigoïde cicatricielle, aussi appelée la pemphigoïde des muqueuses, touche une ou plusieurs muqueuses à la fois, notamment la bouche, les yeux, le nez et le pharynx. Elle peut également toucher la peau.  

La pemphigoïde cicatricielle touche souvent les personnes âgées et évolue vers la formation de cicatrices ou de fibroses avec parfois des petits kystes blancs (kystes milium).

Généralement, elle est secondaire à la fixation d’auto-anticorps BP180 sur la jonction entre le derme et l’épiderme. 


 

2. Les dermatoses bulleuses iatrogènes

Les dermatoses bulleuses iatrogènes surviennent à cause d’une réaction toxique provoquée par la prise d’un traitement médicamenteux. Elles sont aussi appelées toxidermies bulleuses

Ces pathologies se caractérisent par des lésions bulleuses, un décollement de la peau, une atteinte des muqueuses, de la fièvre et une détérioration de l’état général.  

Il existe deux formes en fonction de l’étendue des lésions :

  • le syndrome de Stevens-Johnson en cas de surface décollée de peau inférieure à 10% 
  • le syndrome de Lyell, aussi prénommé nécrolyse épidermique toxique, avec une surface décollée supérieure à 30% de la surface corporelle.
  • les formes intermédiaires lorsque le décollement est entre 10 à 30% de la surface du corps

Ces dermatoses bulleuses sont extrêmement rares et particulièrement graves avec une mortalité en phase aiguë de 20 à 25 %, et de 30 à 35 % à 1 an. 

3. Les dermatoses bulleuses héréditaires

Les dermatoses bulleuses héréditaires sont secondaires à la présence de mutations génétiques qui peuvent se transmettre à la descendance. Elles sont incurables.

Elles se caractérisent par une fragilité excessive de la peau et parfois des muqueuses, avec pour conséquence la formation de bulles et parfois de plaies.

Elles sont classées en trois groupes, selon la couche de la peau concernée par le décollement des plus superficielles aux plus profondes :

Les  épidermolyses bulleuses simples sont les formes les plus fréquentes et généralement les moins sévères. Elles concernent la partie la plus superficielle de la peau et entraînent des bulles superficielles qui cicatrisent rapidement sans séquelle.

Elles peuvent être localisées à une partie du corps (maladie de Weber-Cockayne) ou généralisées (maladie de Koebner ou de Dowling-Meara).

Les épidermolyses bulleuses jonctionnelles 

Les épidermolyses bulleuses jonctionnelles entraînent généralement des bulles profondes qui évoluent vers des érosions cutanées. 

Elles sont divisées en deux groupes : 

  • les épidermolyses bulleuses jonctionnelles de type Herlitz, très sévère avec peu ou pas de cicatrisation de la peau 
  • les épidermolyses bulleuses jonctionnelles de type non Herlitz 

Les épidermolyses bulleuses dystrophiques entraînent classiquement des bulles profondes qui, après la cicatrisation, laissent place à une peau fine, claire et fragile, avec souvent des petits granules blancs (grains de milium)

Il existe plusieurs forme en fonction du gène muté et le type de transmission : 

  • les formes récessives, Hallopeau-Siemens ou non Hallopeau-Siemens, où il est nécessaire d’avoir deux copies du gène muté pour exprimer la maladie 
  • la forme dominante de Cockayne-Touraine, où une seule copie du gène muté est nécessaire pour exprimer la maladie

Le syndrome de Kindler, aussi connu sous le nom de poïkilodermie de Kindler, est une quatrième forme d’épidermolyse bulleuse héréditaire qui ne rentre pas dans la classification basée sur la couche de peau atteinte.

Elle se manifeste souvent dès la naissance par des bulles cutanées et s’aggravent progressivement, avec notamment l’apparition d’atrophie cutanée et des muqueuses.

Quelles sont les répercussions des dermatoses bulleuses ?

La douleur, parfois très intense, est une répercussion fréquente des dermatoses bulleuses. Elles sont souvent liées aux bulles, érosions cutanées et soins. Elles peuvent également être secondaires à une atteinte des fibres nerveuses (douleurs neuropathiques) ou à une sur-infection. 

Les démangeaisons (prurit) sont fréquentes et parfois si fortes qu’elles altèrent le sommeil. Le risque d’infection des lésions est aussi très élevé.

Les dermatoses bulleuses sont souvent invalidantes avec des répercussions physiques et psychologiques fortes. Une aide psychologique peut être bénéfique.

Comment sont-elles diagnostiquées ?

Le diagnostic repose sur :

  1. Contexte L’âge, les maladies associées ou la prise de médicaments peuvent fortement orienter le diagnostic
  2. Examen clinique L’aspect des bulles et de la peau permet généralement de renforcer les hypothèses diagnostics.
  3. Prise de sang : Recherche d'anticorps circulants ou de mutation génétique en fonction de la ou les causes suspectées.
  4. Biopsie cutanée : Prélèvement d’un petit morceau de peau afin de l’analyser en laboratoire :

1. Analyse histologique

  • Le tissu prélevé est observé au microscope après avoir été coloré.
  • Cela permet d’examiner la structure des cellules et des couches de la peau.
  • Elle aide à diagnostiquer des maladies comme le psoriasis, l’eczéma, ou des cancers de la peau.

2. Immunofluorescence directe (IFD)

  • On applique des anticorps marqués par un produit fluorescent sur l’échantillon.
  • Cela permet de détecter la présence de certaines protéines anormales liées à des maladies auto-immunes de la peau (comme le lupus ou le pemphigus).
  • Le résultat est observé sous un microscope à fluorescence.

Ces deux analyses sont complémentaires et permettent un diagnostic précis des dermatoses bulleuses. 

 

Quelle prise en charge ?

Les soins locaux sont essentiels afin de réduire le risque d’infection et favoriser la cicatrisation des lésions. La prise en charge de la douleur est également systématique afin d’améliorer la qualité de vie.

Les hospitalisations sont fréquentes. 

Dans les dermatoses bulleuses auto-immunes, il est possible de mettre en place des corticostéroïdes, des immunosuppresseurs ou des biothérapies pour réduire l'inflammation. 

En cas de maladies associées, il faut mettre en place un traitement adapté, tel qu’un régime sans gluten en cas de maladie coeliaque. Il peut permettre de faire disparaître les manifestations cutanées.

Dans les dermatoses bulleuses iatrogènes, il faut arrêter le médicament causal.

Recherche et Avancées

Les dernières avancées portent sur :

  • Thérapies ciblées (inhibiteurs de BTK, nouveaux anticorps monoclonaux) et l’essai de plusieurs nouvelles biothérapies dans les formes auto-immunes 
  • Génothérapie pour l'épidermolyse bulleuse

Centres Spécialisés en France

  • Centre de Référence Maladies Rares de la Peau (Hôpital Saint-Louis, Paris)
  • Centre de Compétence des Dermatoses Bulleuses Auto-immunes (Lyon, Marseille, Toulouse, Lille)

Associations

Documentations