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Les Dermatoses Bulleuses

1. Qu’est ce que les dermatoses bulleuses?

Les dermatoses bulleuses regroupent un ensemble de maladies rares de la peau caractérisées par l'apparition de bulles remplies de liquide clair ou ou de sang.

Ces pathologies sont souvent chroniques et invalidantes. Elles peuvent survenir à tout âge et touchent parfois les muqueuses (bouche, gorge, organes génitaux).

A. Les dermatoses bulleuses auto-immunes

Les dermatoses bulleuses auto-immunes sont un groupe de maladies rares dans lesquelles le système immunitaire se dérègle et attaque certains composants normaux de la peau et/ou des muqueuses. Ce dysfonctionnement provoque la formation de bulles, de cloques ou de lésions inflammatoires, souvent douloureuses ou prurigineuses.

Vous trouverez ci-dessous une liste des principales dermatoses bulleuses auto-immunes, classées par ordre alphabétique.

La dermatite herpétiforme touche préférentiellement les adultes jeunes. Elle se caractérise par la présence d'anticorps IgA antitransglutalminase au niveau de la jonction entre l’épiderme (la couche superficiel de la peau) et le derme (la couche plus profonde de la peau).

Elle est étroitement liée à une intolérance au gluten, comme dans la maladie cœliaque, à laquelle elle est très fréquement associée.

Cliniquement, la dermatite herpétiforme se manifeste par des vésicules associées à de très fortes démangeaisons, souvent rompues par le grattage, laissant place à des croûtes ou des lésions excoriées. Les lésions siègent préférentiellement au niveau des coudes, des genoux, des fesses, du cuir chevelu et du dos.

La dermatose linéaire à IgA se caractérise par la présence d’anticorps de type IgA au niveau de la jonction entre l’épiderme (la couche superficielle de la peau) et le derme (la couche plus profonde). Ces dépôts anormaux entraînent une réaction inflammatoire qui provoque le décollement de la peau et la formation de bulles.

Contrairement à la dermatite herpétiforme, la dermatose linéaire à IgA n’est pas liée à une intolérance au gluten. Elle peut toutefois être associée à certaines pathologies chroniques, ou survenir après la prise de certains médicaments, comme la vancomycine.

Cliniquement, la dermatite herpétiforme se manifeste par l’apparition de vésicules ou de bulles remplies de liquide clair, souvent au niveau du tronc, des coudes, genoux et fesses. Chez l’enfant, la région périanale peut également être atteinte, ce qui constitue un signe d’orientation diagnostique important.

L’épidermolyse bulleuse acquise est une maladie incurable qui atteint à la fois la peau et les muqueuses. Elle est causée  par des anticorps anti-collagène VII, ciblant une protéine essentielle à la cohésion entre les couches de la peau.

Dans certains cas, elle est associée à d'autres maladies auto-immunes, comme la maladie de Crohn ou lupus érythémateux disséminé.

Les symptômes varient d’une personne à l’autre et peuvent évoluer au fil du temps. La forme la plus fréquente se manifeste par une fragilité de la peau, l’apparition de cloques, d’érosions et de cicatrices, parfois profondes et invalidantes.

La pemphigoide bulleuse est la plus fréquente des dermatoses bulleuses auto-immunes. Elle survient généralement chez la personne âgée.

Elle se caractérise par la présence de bulles tendues sur une peau rouge et prurigineuse (plaques urticariennes). Les lésions des muqueuses sont rares.

La pemphigoides bulleuse est liée à la présence d’anticorps anti-BP180/BP230 qui cible certaines protéines de la membrane basale, structure qui se situe entre la couche superficielle de la peau et la couche sous-jacente.

La pemphigoïde gestationis survient pendant la grossesse, le plus souvent au 2ᵉ ou 3ᵉ trimestre, et liée à la présence d'anticorps anti-BP180.

Elle se caractérise par des plaques rouges accompagnées de démangeaisons très intenses, débutant généralement autour du nombril, puis s’étendant avec l’apparition de bulles tendues remplies de liquide. Il n'y a généralement pas de risque pour le foetus.

Dans la majorité des cas, la grossesse se déroule normalement. Une surveillance obstétricale renforcée est toutefois recommandée, car la pemphigoïde gestationis peut augmenter le risque de prématurité ou de retard de croissance intra-utérin.

La pemphigoïde gestationis régressent généralement après l’accouchement, mais des rechutes sont possibles, particulièrement lors des grossesses ultérieures. 

La pemphigoïde cicatricielle est le plus souvent secondaire à la fixation d’auto-anticorps BP180 sur la jonction entre la couche superficielle (épiderme) et plus profonde la peau (derme).

Ell se manifeste principalement par des bulles sur les muqueuses, qui se rompent facilement et laissent place à des érosions douloureuses. Ces lésions cicatrisent en laissant souvent des adhérences ou fibroses permanentes, avec un risque de séquelles fonctionnelles importantes. Par exemple, 5 à 20% des personnes concernées perde la vue (cécité) au cours de la maladie. 

Dans 25% des cas, la pemphigoïde cicatricielle s'accompagne aussi de lésions cutanées, à type d'érosion chronique.

Le pemphigus se manifeste principalement par l’apparition de bulles fragiles, qui se rompent facilement pour laisser place à des érosions douloureuses. Le plus souvent, la peau sous-jacente est d’apparence saine, sans signe d'inflammation visible. Dans de nombreux cas, les muqueuses sont également atteintes, parfois même avant l’apparition des lésions cutanées.

Cette maladie se caractérise par la présence d’anticorps anti-desmogléines 1 et 3, qui ciblent des protéines essentielles à la cohésion entre les cellules de la peau. Leur action entraine une perte d’adhérence des cellules cutanées à l’origine de la formation des bulles.

B. Les dermatoses bulleuses toxiques

Les dermatoses bulleuses toxiques, aussi appelée toxidermies bulleuses, constituent un groupe de réactions cutanées sévères, le plus souvent d’origine médicamenteuse. Elles comprennent principalement :

La dermatose bulleuse à IgA linéaire médicamenteuse est une forme particulière de dermatose bulleuse à IgA linéaire, habituellement auto-immune et idiopathiquedans environ 75 % des cas, mais pouvant être déclenchée par un médicament dans 25 % des cas, notamment chez l’adulte.

Le médicament le plus souvent en cause est la vancomycine.

L’évolution est généralement favorable après arrêt du médicament responsable, avec une cicatrisation rapide, spontanée ou pouvant être facilitée par l’application d'une crème à base de corticoides. 

L'erythème pigmenté fixe bulleux généralisé touche essentiellement les personnes âgées. Il apparaît dans les heures ou jours suivant la prise d’un médicament, même en l’absence d’antécédent allergique connu.

L’atteinte cutanée se caractérise par des décollements de la peau limités, le plus souvent sans atteinte des muqueuses. La cicatrisation survient en 2 à 3 semaines.

Les principales complications sont le risque infectieux à point de départ cutané, et souvent, la décompensation de pathologies chroniques sous-jacentes.

Le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell, également appelé nécrolyse épidermique toxique, sont des toxidermies rares et graves, survenant généralement entre 4 et 28 jours après l’introduction d’un nouveau médicament. 

Ces deux syndromes appartiennent au même continuum, et ne se distinguent que par l’étendue des décollements cutanés :

  • moins de 10 % de la surface corporelle dans le syndrome de Stevens-Johnson
  • plus de 30 % dans le syndrome de Lyell
  • et entre 10 et 29 % dans les formes dites de chevauchement.

Les premiers signes sont souvent une fièvre et une éruption cutanée douloureuse, qui évolue en bulles puis en décollements de la peau, comme des brûlures. Les muqueuses (bouche, yeux, parties génitales) sont souvent atteintes, avec des plaies rouges et sensibles.

Dans certains cas, les organes internes comme les reins ou les poumons peuvent aussi être touchés.

C. Les dermatoses bulleuses héréditaires

Les dermatoses bulleuses héréditaires sont secondaires à la présence de mutations génétiques qui peuvent se transmettre à la descendance. Elles sont incurables.

Elles se caractérisent par une fragilité excessive de la peau et parfois des muqueuses, avec pour conséquence la formation de bulles et parfois de plaies.

Elles sont classées en trois groupes, selon la couche de la peau concernée par le décollement des plus superficielles aux plus profondes :

Les  épidermolyses bulleuses simples sont les formes les plus fréquentes et généralement les moins sévères. Elles concernent la partie la plus superficielle de la peau et entraînent des bulles superficielles qui cicatrisent rapidement sans séquelle.

Elles peuvent être localisées à une partie du corps (maladie de Weber-Cockayne) ou généralisées (maladie de Koebner ou de Dowling-Meara).

Les épidermolyses bulleuses jonctionnelles 

Les épidermolyses bulleuses jonctionnelles entraînent généralement des bulles profondes qui évoluent vers des érosions cutanées. 

Elles sont divisées en deux groupes : 

  • les épidermolyses bulleuses jonctionnelles de type Herlitz, très sévère avec peu ou pas de cicatrisation de la peau 
  • les épidermolyses bulleuses jonctionnelles de type non Herlitz 

Les épidermolyses bulleuses dystrophiques entraînent classiquement des bulles profondes qui, après la cicatrisation, laissent place à une peau fine, claire et fragile, avec souvent des petits granules blancs (grains de milium)

Il existe plusieurs forme en fonction du gène muté et le type de transmission : 

  • les formes récessives, Hallopeau-Siemens ou non Hallopeau-Siemens, où il est nécessaire d’avoir deux copies du gène muté pour exprimer la maladie
  • la forme dominante de Cockayne-Touraine, où une seule copie du gène muté est nécessaire pour exprimer la maladie

Le syndrome de Kindler, aussi connu sous le nom de poïkilodermie de Kindler, est une quatrième forme d’épidermolyse bulleuse héréditaire qui ne rentre pas dans la classification basée sur la couche de peau atteinte.

Elle se manifeste souvent dès la naissance par des bulles cutanées et s’aggravent progressivement, avec notamment l’apparition d’atrophie cutanée et des muqueuses.

2. Quelles sont les répercussions des dermatoses bulleuses ?

La douleur, parfois très intense, est une répercussion fréquente des dermatoses bulleuses. Elles sont souvent liées aux bulles, érosions cutanées et soins. Elles peuvent également être secondaires à une atteinte des fibres nerveuses (douleurs neuropathiques) ou à une sur-infection. 

Les démangeaisons (prurit) sont fréquentes et parfois si fortes qu’elles altèrent le sommeil. Le risque d’infection des lésions est aussi très élevé.

Les dermatoses bulleuses sont souvent invalidantes avec des répercussions physiques et psychologiques fortes. Une aide psychologique peut être bénéfique.

3. Comment sont-elles diagnostiquées ?

  • Prise de sang : Recherche d'anticorps circulants ou de mutation génétique en fonction de la ou les causes suspectées.
  • Analyse histologique : Un morceau de peau (biopsie) est observé au microscope après avoir été coloré. Cela permet d’examiner la structure des cellules et des couches de la peau Elle aide à diagnostiquer des maladies comme le psoriasis, l’eczéma, ou des cancers de la peau.
  • Immunofluorescence directe (IFD) : On applique des anticorps marqués par un produit fluorescent sur un morceau de peau (biopsie) . Cela permet de détecter la présence de certaines protéines anormales liées à des maladies auto-immunes de la peau (comme le lupus ou le pemphigus). Le résultat est observé sous un microscope à fluorescence

 

4. Quelle prise en charge ?

Les soins locaux sont essentiels afin de réduire le risque d’infection et favoriser la cicatrisation des lésions. La prise en charge de la douleur est également systématique afin d’améliorer la qualité de vie.

Les hospitalisations sont fréquentes. 

Dans les dermatoses bulleuses auto-immunes, il est possible de mettre en place des corticostéroïdes, des immunosuppresseurs ou des biothérapies pour réduire l'inflammation. 

En cas de maladies associées, il faut mettre en place un traitement adapté, tel qu’un régime sans gluten en cas de maladie coeliaque. Il peut permettre de faire disparaître les manifestations cutanées.

Dans les dermatoses bulleuses iatrogènes, il faut également arrêter le médicament causal.

 


Fiche rédigée par Francine Taillandier et Camille Racca. Mise à jour le 15-02-2025

Sources : 

Dermatoses bulleuses auto-immunes

Dermatoses bulleuses toxiques

Dermatoses bulleuses héréditaires