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Différences entre fatigue, fatigue chronique, EM/SFC et covid longue

Si ces dénominations peuvent sembler identiques, et si le langage courant a tendance à abuser de l’utilisation du mot « fatigue », il est important de savoir que toutes ces nomenclatures désignent des aspects différents.

1. Quelles sont les différentes notions de sémantique et de nomenclature ?

Nous pouvons tout d’abord faire une dichotomie entre les symptômes et les maladies. En effet, la « fatigue » et la « fatigue chronique » sont ici les seuls symptômes. À plus proprement parler, la première est un ressenti subjectif rapporté par le patient, dont le pendant médical est « asthénie ». Ainsi, la « fatigue » décrit une sensation générale de manque d’énergie. Contrairement à une maladie (pour simplifier), la fatigue fait partie d’un ensemble d’autres symptômes formant un syndrome (association de symptômes) ou un trouble/une maladie. On peut la retrouver dans diverses affections (cancer, épisode dépressif caractérisé, postopératoire…), mais elle n’est pas, stricto sensu, une maladie à part entière : on ne diagnostique pas une fatigue et on n’a pas de médicament contre la maladie « fatigue ». À partir de cela, on distingue 3 sous-types de fatigues : la fatigue aiguë de moins d’un mois, la fatigue prolongée de moins de 6 mois et la « fatigue chronique » de plus de six mois. 

Au contraire, la « covid longue » et l’« encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique » sont de maladies. La première est secondaire d’une infection à SARS-CoV-2, tandis que la seconde est d’origine plus inconnue, mais fréquemment post-infectieuse ou post-stress neuro-métabolique. Cependant, nous savons que certains covids longues ou syndromes post-vaccinaux peuvent devenir des EM/SFC (le contraire n’étant, en l’état actuel de la recherche, pas vrai). Quelle différence peut-on alors faire entre une covid longue et une EM/SFC ? 

2. Quelles sont les différences physiopathologiques ?

La physiopathologie de la covid longue est purement post-infectieuse : il s’agit d’une activation inflammatoire systémique chronique de bas grade entraînant des troubles multisystémiques, notamment cardiovasculaires (palpitations, STOP, HTO), respiratoires (dyspnée, hypoperfusion alvéolaire), immunitaires (susceptibilité aux infections, hypersensibilités), neurologiques (troubles des fonctions supérieures, brouillard mental), entre autres. L’EM/SFC lui ressemble beaucoup dans la symptomatologie, mais son origine n’est pas nécessairement corrélée à une infection virale. Si elle est très fréquente (possiblement liée à une auto-immunité B post hypermutation somatique cherchant à lutter contre un pathogène avec un antigène proche des antigènes du soi), elle n’est pas unique, ce qui constitue un premier point de différenciation. 

Toutefois, il est difficile de faire la différence autrement (en l’état actuel de la recherche). Le diagnostic positif est quasiment exclusivement clinique et les symptômes se recoupent beaucoup. Il faut toutefois noter la présence d’un hypométabolisme cérébral diffus à la TEP/IRM pour l’EM/SFC (il n’y a pas encore d’études à ce sujet pour la CL) non retrouvé ailleurs. De plus, certaines études suggèrent que le malaise post-effort — un symptôme cardinal de l’EM/SFC caractérisé par une forte aggravation des symptômes après intervalle libre suite à un effort, même minime — n’est pas retrouvé dans la CL. Il faut toutefois noter que cette assertion est en tout début de recherche : elle n’est que peu discutée et pas encore affirmée comme un consensus scientifique. Enfin, certaines études suggèrent que la CL se démarquerait de l’EM/SFC, car elle comporte une symptomatologie cardiorespiratoire plus marquée, alors que l’EM/SFC est plus caractérisée par les douleurs et les troubles du sommeil. Encore une fois, il ne s’agit que d’une hypothèse. 

Si la CL n’a pas vraiment de critères diagnostiques pour le moment, l’EM/SFC en a plusieurs. En se référant aux critères du consensus canadien revisités (les plus consensuels), un diagnostic d’EM/SFC peut être posé si un patient présente une fatigue chronique (donc plus de 6 mois) associée à des malaises post-effort, des troubles du sommeil, des douleurs ainsi qu’au moins deux symptômes neurologiques et au moins un symptôme parmi des manifestations autonomes, des troubles neuroendocrinologiques et des troubles immunologiques. 

Il est aussi à noter qu’il existe un diagnostic de « fatigue chronique » : il s’agit d’une fatigue chronique (plus de 6 mois) avec réduction des capacités du patient sans autres symptômes ou conditions pouvant expliquer le diagnostic.

3. Discussion

Nous avons donc vu qu’il existe des différences fondamentales entre tous ces termes :

  • Fatigue désigne un symptôme, qui peut être ressenti par tout un chacun. On peut être fatigué d’une journée de travail, d’une grippe ou d’un cancer.
  • Fatigue chronique désigne un symptôme, sous-symptôme de fatigue. On peut avoir une fatigue chronique dans le cadre d’un cancer qui dure depuis 1 an, mais on ne peut pas avoir une fatigue chronique d’une grippe de 7 jours.
  • Covid longue désigne une maladie secondaire d’une infection à SARS-CoV-2 avec un diagnostic positif précis. On ne peut pas avoir de covid longue sans diagnostic positif posé par un professionnel de santé.
  • Encéphalomyélite myalgique/Syndrome de fatigue chronique désigne aussi une maladie dont l’étiologie est mal connue. Il existe, là encore, un diagnostic positif précis et des examens complémentaires avec des résultats probants.


On peut ainsi résumer ces désignations dans un arbre décisionnel :

  • Une fatigue de moins d’un mois est une fatigue.
  • Une fatigue de plus de six mois sans altération des activités est une fatigue chronique (le symptôme).
  • Une fatigue de plus de six mois avec altération des activités sans malaise post-effort est une fatigue chronique (la maladie).
  • Une fatigue de plus de six mois avec altération des activités et symptomatologie de covid secondaire d’une infection à SARS-CoV-2 sans malaise post-effort est une covid longue (les critères diagnostiques ne font pas consensus).
  • Une fatigue de plus de six mois avec altération des activités et malaise post-effort, sans symptomatologie associée est une fatigue chronique idiopathique (le diagnostic ne fait pas consensus).
  • Une fatigue de plus de six mois avec altération des activités, malaise post-effort et symptomatologie associée typique des critères du consensus canadien revisités est une EM/SFC.


En sachant cela, on peut aisément vouloir critiquer le nom d’« encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique » qui induit les patients, le public et les politiques en erreur : il ne s’agit pas uniquement d’une fatigue chronique, mais d’une maladie avec de nombreux troubles multisystémiques dont la physiopathologie commence à être comprise et des biomarqueurs, ce qui n’a rien d’idiopathique (contrairement à une fatigue chronique [le symptôme]). Il serait peut-être plus intéressant de l’appeler uniquement « encéphalomyélite myalgique », ce qui simplifierait la communication et la compréhension.

4. Take home messages

  • Fatigue et fatigue chronique sont des symptômes.
  • Fatigue chronique, fatigue chronique idiopathique, covid longue et EM sont des maladies somatiques (et non psychiatriques).
  • Il existe des critères diagnostiques et des biomarqueurs clairs pour l’EM, moins pour la covid longue et pas pour la fatigue chronique idiopathique et la fatigue chronique (maladie).
  • La différence clinique entre covid longue et EM peut être difficile à faire.
  • Le terme « syndrome de fatigue chronique » est peu adapté au regard de la physiopathologie et des mécompréhensions qu’il engendre.

 


Fiche rédigée par Marion C. Relue par Camille Racca. Mise en ligne le 11-05-2025.

Sources :

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