En tête : douleurs chroniques chez l’enfant et l’adolescent

Prise en charge de la douleur chez l'enfant et l'adolescent

avec Claire ARBITRE, Docteur en Pédiatrie spécialisée dans la prise en charge de la douleur

Claire ARBITRE, Docteur en Pédiatrie et Algologue, répond à dix questions posées sur notre compte Instagram sur le thème "Prise en charge de la douleur chez l'enfant et l'adolescent". Une occasion d'aborder le diagnostic et la prise en charge des douleurs aiguës et chroniques chez les plus jeunes !

 

Question 1 : Comment détecter la douleur chronique chez l’enfant ?

Les douleurs passagères sont fréquentes chez l’enfant. Mais, en cas de douleurs prolongées et pouvant persister même lorsque la pathologie initiale a été guérie, on parle de douleurs chroniques.

Chez l’enfant et l’adolescent, les symptômes sont similaires à ceux de l’adulte. Néanmoins, ils sont exprimés de façon différente selon les âges. Exemple : Crispation, raideurs, enfant paraissant “trop calme” voire immobile.

De plus, les douleurs chroniques, par rapport aux douleurs aiguës, ont un retentissement sur le fonctionnement global de l’enfant. Elles peuvent notamment impacter son sommeil, son humeur et/ou sa scolarité.

Question 2 : La prise en compte de la douleur est-elle différente selon l’âge de l’enfant ?

À tout âge, la douleur doit être évaluée et prise en compte. On utilise donc des moyens d'évaluation adaptés à l'âge et notamment aux capacités de communication de l'enfant.

Chez le nourrisson et les très jeunes enfants, on utilise une hétéroévaluation c'est à dire que l'évaluation de la douleur est réalisée par le soignant (voir question 7).

Par contre, dès que l’enfant peut communiquer et chez l’adolescent, on privilégie l'autoévaluation. Elle permet à l'enfant ou l'adolescent d'évaluer lui-même sa douleur. Pour cela, on utilise des échelles adaptées à l'âge. Exemple : A partir de 6 ans, on peut utiliser l’échelle de visage. Puis, quand l'enfant grandit, on peut utiliser l'échelle visuelle simple ou analogique.


 

Illustration sur les importantes répercussions des douleurs chroniques chez les jeunes

Question 3 : Quels sont les traitements antalgiques utilisés chez l’enfant ?

De nombreux traitements sont possibles pour prendre en charge la douleur de l'enfant. Le plus important est d'adapter la posologie au poids de l’enfant et de trouver une forme pharmaceutique/galénique adaptée à celle-ci.

De plus, les traitements sont adaptés à l’intensité et l’étiologie de la douleur. Chez l’enfant, on peut notamment prescrire du paracétamol, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, mais également des morphiniques pour les douleurs plus intenses !

Par contre, il est important de respecter les contre-indications de certaines molécules. En effet, certains médicaments ne peuvent être prescrits au vu des effets indésirables chez les plus jeunes. Exemple : La codéine ne peut être utilisée qu’à partir de 15 ans.

Question 4 : Quelle est la prise en charge des douleurs neuropathiques ?

Illustration sur la nécessité de la prise en charge de la douleur chez les enfants

Les douleurs neuropathiques sont rares chez le jeune enfant. Elle touchent plus souvent les adolescents. Et, comme chez l'adulte, la prise en charge reste complexe et dépend notamment de la localisation des lésions. 

En cas de lésion du système nerveux périphérique

  • on favorise une prise en charge non médicamenteuse ainsi que les traitements médicamenteux locauxExemple : Neurostimulation électrique transcutanée (TENS), psychothérapie, patch de lidocaïne.
  • lorsque ces moyens s'avèrent insuffisants, on peut aussi utiliser des traitements médicamenteux oraux. Dans ce cas, on fait attention à leur impact potentiel sur le neurodéveloppement. Exemple : On peut prescrire certains antiépileptiques ou antidépresseurs tels que la gabapentine et la duloxétine.

Si les douleurs sont liées à une atteinte du système nerveux central, on peut également avoir recours aux traitements médicamenteux oraux. Par contre, contrairement aux adultes, la stimulation médullaire n’est pas réalisée chez l’enfant.

Question 5 : Quelle est la place de la prise en charge pluridisciplinaire ?

La prise en charge pluridisciplinaire des douleurs est recommandée. D’ailleurs, en France, il existe quelques structures de prise en charge de la douleur spécialisée en pédiatrie.

De plus, tout au long de la prise en charge, il est important de coordonner la prise en charge et de communiquer avec tout l’entourage : les parents, l’école, le médecin traitant et les autres spécialistes.

Question 6 : Est ce que l’acupuncture peut aider dans la prise en charge des douleurs ?

Les études n’ont pas montré d’impact positif de l’acupuncture dans la prise en charge des douleurs chroniques chez l’enfant et l’adolescent.

En l’absence de preuve scientifique de l’efficacité, les méthodes alternatives comme l’acupuncture ou la relaxation peuvent être testées si l’enfant ou l’adolescent se sent à l’aise avec la réflexion.

Question 7 : Comment évaluer la douleur chez le nourrisson et l’enfant non communiquant ?

L'évaluation de la douleur est réalisée grâce à des échelles standardisées adaptées à la situation et à l’âge de l’enfant. C’est une hétéro-évaluation de la douleur

Exemple : L'échelle EVENDOL peut être utilisée chez tous les enfants de moins de 7 ans. Elle donne un score de 0 à 15 et se base notamment sur les expressions vocales, les mimiques et la position.

Question 8 : L’accoutumance aux antalgiques est-elle possible chez les jeunes ?

Peu importe l’âge, le corps peut s'habituer aux antalgiques avec le temps. Cela vient du mécanisme d’action des molécules pharmacologiques et n’est donc pas dépendant de l’âge. 

Pour éviter le mésusage, il est nécessaire de réévaluer la pertinence de la prescription et la dose d’antalgiques à chaque consultation médicale.

Illustration sur les différents traitements possibles chez l’enfant

Question 9 : L’utilisation de CBD est-elle possible chez l’enfant ?

Aujourd’hui, il existe 2 indications reconnus du CBD : l’épilepsie réfractaire et les soins palliatifs 

En ce qui concerne la prise en charge des douleurs chroniques, il n’y a pour le moment pas d’indication. Note : une étude est en cours pour voir l’impact du CBD dans la prise en charge des douleurs neuropathiques chez l’adulte. L’essai va bientôt être étendu aux plus jeunes.

Par contre, le THC est contre-indiqué car il a un impact péjoratif sur le neurodéveloppement.

Question 10 : La phrase « c’est normal qu’il ait mal, il grandit. Ça passera » est-elle vraie ?

Les douleurs surtout musculosquelettiques sont très fréquentes chez l’enfant. Il peut s’agir de douleurs de croissance. Mais, il existe de multiples autres causes telles que les rhumatismes inflammatoires et la fibromyalgie.

Dans certains cas, il est possible que les douleurs disparaîssent à l'âge adulte. Exemple : Les douleurs de croissance, la rémission possible d'une arthrite juvénile idiopathique.

Mais, d'autres douleurs ne disparaissent pas forcément à l'âge adulte. De plus, il est important de rester vigilant tout au long du suivi. En effet, une cause peut en cacher une autre. Exemple : Un enfant aves des douleurs de croissance peut développer une maladie auto-immune vers l'adolescence.

À Retenir De Cette Fiche Santé :

  • Les douleurs chroniques ont d'importantes répercussions sur la vie des enfants et des adolescents.
  • Il est nécessaire d'évaluer systématiquement la douleur chez l'enfant et les adolescents.
  • Il existe plusieurs traitements possibles chez l'enfant médicamenteux et non médicamenteux.