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L’insuffisance cardiaque chronique

L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique évolutive. En France, plus de 1,5 million de personnes en sont atteintes. 

Elle se caractérise par une incapacité du cœur à pomper efficacement le sang pour répondre aux besoins de l’organisme. Les organes ne reçoivent alors plus suffisamment d’oxygène et de nutriments.

1. Quels en sont les symptômes ?

Aux premiers stades, l’insuffisance cardiaque se manifeste principalement à l’effort, lorsque le cœur doit augmenter sa fréquence et son débit pour répondre aux besoins de l’organisme. Ce mécanisme devient difficile à assurer pour un muscle cardiaque déjà affaibli. Avec l’évolution de la maladie, les symptômes peuvent survenir même au repos.

Les signes cliniques les plus fréquents :

  • Essoufflement (dyspnée) : d’abord à l’effort, puis au repos.
  • Fatigue inhabituelle : même lors d’activités simples du quotidien.
  • Œdèmes : gonflement des jambes, des chevilles, parfois de l’abdomen, lié à une rétention hydrosodée.
  • Prise de poids rapide : en quelques jours, souvent due à une accumulation de liquide.
  • Troubles digestifs : sensation de lourdeur, nausées, ballonnements, éructations, en lien avec une congestion hépatique ou digestive.
Insuffisance cardiaque fiche information patient schema

2. A quoi est elle due ?

Les causes de l’insuffisance cardiaque sont multiples, et varient selon l’âge, les antécédents médicaux et les facteurs de risque. Dans la majorité des cas, elle est la conséquence d’une atteinte durable du muscle cardiaque, liée à l’une des situations suivantes :

  • Les séquelles d’un infarctus du myocarde (ou cardiopathie ischémique)
  • Une hypertension artérielle mal contrôlée
  • Des maladies des valves cardiaques (ou cardiopathies valvulaires) :
  • Des traitements cardiotoxiques, notamment certaines chimiothérapies
  • Des malformations cardiaques congénitales ou des mutations génétiques 

3. Quels sont les retentissements de l’insuffisance cardiaque ?

L’insuffisance cardiaque est une maladie progressivement invalidante, qui touche bien plus que le cœur : elle impacte profondément la qualité de vie physique, sociale, émotionnelle et professionnelle.

D’abord, elle limite les efforts physiques : marche, escaliers, port de charges… Avec temps, elle s’insinue dans toutes les activités de la vie courante, y compris les plus intimes. L’activité sexuelle représentant un effort physique d’intensité modérée et sollicitant ainsi intensément le cœur. 

L’insuffisance cardiaque peut aussi provoquer  une fatigue chronique, une perte d’autonomie, et un retentissement psychologique important, incluant anxiété, isolement, perte d’estime de soi ou dépression.

Pour mieux évaluer l’impact de la maladie, suivre son évolution et adapter la prise en charge, plusieurs classifications sont aujourd’hui utilisées par les professionnels de santé :

Elle décrit l’impact des symptômes sur les activités quotidiennes du patient :

  • Classe I : Absence de symptômes à l’effort. Activité physique normale non limitée.
  • Classe II : Dyspnée ou fatigue lors d’une activité physique modérée.
  • Classe III : Dyspnée ou fatigue lors d’activités physiques minimes.
  • Classe IV : Symptômes présents même au repos ; limitation sévère de toute activité.

La fraction d’éjection (FE) correspond au pourcentage de sang éjecté par le ventricule gauche à chaque contraction du coeur. Elle reflète l’efficacité de la pompe cardiaque et constitue un critère essentiel pour le diagnostic et la classification des différentes formes d’insuffisance cardiaque.

On distingue trois principaux groupes :

  • FE < 40 % : Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite 
  • FE entre 40 et 49 %  : Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite : Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection modérément réduite 
  • FE ≥ 50 % ; Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, le plus souvent liée à un trouble de la relaxation ventriculaire (dysfonction diastolique) malgré une contraction conservée.

La classification de l’American College of Cardiology (ACC) et de l’American Heart Association (AHA) décrit la progression naturelle de l’insuffisance cardiaque, depuis les facteurs de risque jusqu’aux formes les plus avancées. Elle complète la classification fonctionnelle NYHA en intégrant les stades asymptomatiques et les modifications structurelles du cœur.

  • Stade A : Patient à haut risque de développer une insuffisance cardiaque, mais sans atteinte cardiaque structurelle ni symptômes (hypertension artérielle, diabète, syndrome métabolique, etc).
  • Stade B : Présence d’une anomalie cardiaque structurelle, mais absence de signes cliniques d’insuffisance cardiaque (hypertrophie ventriculaire gauche, antécédent d’infarctus du myocarde, etc).
  • Stade C : Anomalie cardiaque structurelle avec symptômes actuels ou passés d’insuffisance cardiaque 
  • Stade D : Insuffisance cardiaque terminale ou réfractaire, avec symptômes persistants malgré un traitement médical optimal 

4. Comment est elle diagnostiquée ?

Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque repose sur une approche combinée incluant l’interrogatoire, l’examen clinique et des examens complémentaires 

  • Les signes fonctionnels évocateurs comprennent l’essoufflement (dyspnée), souvent majoré en position allongée (orthopnée), une fatigabilité inhabituelle et la perception de palpitations. Dans certains cas, des signes physiques sont également présents, tels que la turgescence jugulaire (dilatation des veines du cou), l’hépatomégalie (augmentation du volume du foie) ou des œdèmes des membres inférieurs.
  • Le dosage sanguin du BNP (brain natriuretic peptide) ou du NT-proBNP est un outil utile pour détecter une insuffisance cardiaque. Un taux élevé de ces marqueurs est hautement en faveur du diagnostic.
  • L’échocardiographie transthoracique constitue l’examen de référence pour évaluer le fonctionnement du cœur, notamment sa fraction d’éjection (capacité à éjecter le sang). Elle permet également de rechercher une étiologie (valvulopathie, séquelles d’infarctus, cardiomyopathie, etc.)

D'autres examens sont souvent réalisés en complément :

  • L’électrocardiogramme (ECG) permet de détecter des troubles du rythme cardiaque (arythmies), des signes d’infarctus récent ou ancien (cardiopathie ischémique), ou encore une hypertrophie ventriculaire.
  • La radiographie thoracique peut révéler une cardiomégalie (augmentation de la taille du cœur) ou les signes d’une décompensation aiguë, tels qu’un œdème aigu du poumon (OAP).
  • L’IRM cardiaque permet une analyse détaillée de la structure et de la fonction cardiaque, utile en cas de doute diagnostique ou pour l’exploration de causes spécifiques (ex. : myocardite).
  • Le test d’effort évalue la réponse hémodynamique du cœur à l’exercice.
  • Enfin, la coronarographie explore l’état des artères qui vascularise le coeur (les coronaires), à la recherche d’une atteinte responsable de l’insuffisance cardiaque (coronaropathie).

5. Quelle en est la prise en charge ?

Pour ralentir l’évolution de la maladie et prévenir les décompensations aiguës (responsables de près de 200 000 hospitalisations chaque année), la prise en charge repose sur une approche pluridisciplinaire, adaptée au stade de l’insuffisance cardiaque.

Généralement, elle inclut : 

Diurétiques (de l’anse ou thiazidiques) :

  • Utilisés en cas de jambes gonflées, prise de poids rapide ou essoufflement, signes d’une rétention d’eau.
  • Soulagent rapidement les symptômes, mais n’agissent pas directement sur la maladie à long terme.

IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion) ou ARA II (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II) :

  • Freinent la progression de l’insuffisance cardiaque, réduisent le risque d’hospitalisation et la mortalité.
  • Sont souvent prescrits dès le début de la maladie.

Bêta-bloquants (bisoprolol, carvédilol, métoprolol) :

  • Protègent le cœur sur le long terme, améliorent son fonctionnement et améliorent l’espérance de vie.
  • Sont ajoutés progressivement, une fois l’état stabilisé.

Antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (spironolactone, éplérénone) :

  • Utilisés lorsque les symptômes persistent, malgré un traitement par IEC/ARAII et bétabloquant
  • Aident à réduire la mortalité et le risque de réhospitalisation.

Sacubitril/valsartan (Entresto®) :

  •  Médicament combinant deux substances, prescrit quand les symptômes restent présents malgré un traitement par IEC/ARA II et bêta-bloquant.
  • Il remplace les traitements précédents après un court délai d’arrêt.
  • Il réduit les risques de décès et d’aggravation.

Inhibiteurs de SGLT2 (dapagliflozine, empagliflozine) :

  • Initialement utilisés dans le diabète, ils sont désormais recommandés en cas d’insuffisance cardiaque, même sans diabète.
  • Réduisent les hospitalisations et le risque de décès liés à la maladie.

Ivabradine :

  • Peut être ajoutée si le rythme cardiaque est supérieur à 70 battements par minute, malgré un traitement par bêta-bloquant.
  • Aide à limiter les épisodes de décompensation.

Digoxine :

  •  Envisagée en cas de trouble du rythme cardiaque ou de symptômes importants malgré les autres traitements.
  • Toujours utilisée avec précaution : une surveillance régulière de la fonction rénale et des sels minéraux dans le sang est nécessaire.

 

Rééducation à l’effort :

  • Programme de réadaptation cardiaque encadré par une équipe spécialisée
  • Réduit les symptômes (essoufflement, fatigue) et améliore la qualité de vie
  • L’intensité des exercices est adaptée au stade de l’insuffisance cardiaque, selon la classification NYHA.


Education thérapeutique

  • Aide à mieux comprendre la maladie, les traitements et les gestes du quotidien pour prévenir les complications.
  • Ces séances sont proposées par des professionnels de santé, souvent en lien avec une équipe de réadaptation ou en ambulatoire.

Resynchronisation cardiaque (CRT)

  • Pratiquée en cas de désynchronisation électrique du cœur, notamment si le QRS est supérieur à 130 millisecondes(souvent en cas de bloc de branche gauche).
  • Ce dispositif aide les ventricules à se contracter de façon plus coordonnée, ce qui améliore la contraction du cœur et réduit la mortalité.

Défibrillateur automatique implantable (ICD)

  • Ce petit appareil détecte et corrige automatiquement les troubles du rythme cardiaque graves (tachycardies, fibrillations).
  • Il est utilisé pour prévenir la mort subite chez les personnes ayant une fraction d’éjection ≤ 35 % et une espérance de vie supérieure à un an.

Revascularisation myocardique

  • En cas de coronaropathie importante (artères du cœur rétrécies ou bouchées), une angioplastie ou un pontage est généralement proposé.
  • Cette intervention améliore l’irrigation du muscle cardiaque, peut soulager les symptômes et renforcer la fonction du cœur.

Un suivi médical régulier est essentiel pour ajuster les traitements, surveiller l’évolution de la maladie et prévenir les complications :

  • Consultation cardiologique tous les 3 à 6 mois, selon la gravité de l’insuffisance cardiaque.
  • Bilan sanguin (créatinine, ionogramme, BNP ou NT-proBNP si besoin) tous les 6 à 12 mois, ou à chaque changement de traitement.
  • Échocardiographie de contrôle tous les 1 à 2 ans, ou plus tôt en cas de signes d’aggravation.
  • Électrocardiogramme au moins une fois par an, ou en cas de nouveaux symptômes (palpitations, malaise, essoufflement).
  • Évaluation régulière des traitements de fond (IEC, ARA II, ARNi, bêta-bloquants, MRA, inhibiteurs de SGLT2), pour vérifier leur efficacité, leur tolérance (fonction rénale, pression artérielle) et les adapter si nécessaire.

Dans les formes les plus avancées de la maladie, il peut aussi être proposé :

En cas d’insuffisance cardiaque avancée, qui ne répond plus aux traitements médicaux ou aux dispositifs habituels, deux options peuvent être envisagées :

  • La transplantation cardiaque, si la personne est éligible.
  • Le recours à une assistance ventriculaire gauche (LVAD), un dispositif mécanique implanté qui aide le cœur à pomper le sang vers le reste du corps.

Le LVAD peut être utilisé soit en attendant une greffe (« pont à la transplantation »), soit comme solution durablelorsque la greffe n’est pas envisageable (« thérapie de destination »).

Lorsque l’insuffisance cardiaque est très avancée et que les traitements ne permettent plus d’amélioration, il est essentiel de mettre en place une prise en charge globale des symptômes : essoufflement, fatigue, douleur, anxiété, troubles du sommeil, etc.

Cette approche comprend également un accompagnement psychologique et social, pour préserver la qualité de vie et soutenir les proches.

Les soins de support et les soins palliatifs ne signifient pas l’arrêt des soins, mais visent à soulager, écouter, accompagner, avec bienveillance et respect des souhaits de la personne concernée.

Malgré les progrès des traitements, l’insuffisance cardiaque reste une maladie grave. La survie à 5 ans après une première hospitalisation pour décompensation est estimée à environ 50 %.


Fiche rédigée par Camille Racca et Léa Kautzmann. Mise à jour le 04-06-2025

Sources :