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Focus : Les douleurs inflammatoires liées au cancer

La douleur inflammatoire chronique liée au cancer est causée par des interactions complexes entre la tumeur, le système immunitaire et le système nerveux.

Elle ne résulte pas d’une lésion directe des nerfs, mais de la libération de substances inflammatoires qui viennent sensibiliser les terminaisons nerveuses (appelées nocicepteurs). Cette réaction entretient un cercle vicieux de douleur qui peut devenir chronique.

Très fréquente dans les cancers avancés, notamment osseux, cette douleur peut persister même après traitement. Cette fiche présente ses principaux acteurs.

1. Les cellules immunitaires du microenvironnement tumoral

La tumeur n’est pas uniquement constituée de cellules cancéreuses. Elle s’inscrit dans un microenvironnement tumoral (tumor microenvironment, TME), qui désigne l’ensemble complexe de cellules, de molécules sécrétées, de vaisseaux sanguins, de nerfs et de matrice extracellulaire qui l'entourent et interagissent avec elle.

Ce microenvironnement comprend notamment un grand nombre de cellules immunitaires (macrophages, mastocytes, lymphocytes, cellules NK…) qui contribuent activement à l’entretien de l’inflammation et au développement de douleurs chroniques.

Elles sécrètent en effet des médiateurs pro-inflammatoires, qui : 

  • sensibilisent les récepteurs à la douleur (nocicepteur) ;
  • favorisent l’inflammation locale ;
  • et peuvent entretenir la douleur, même après traitement de la tumeur.

2. Les cytokines inflammatoires

Les cytokines inflammatoires sont des messagers chimiques libérés à la fois par les cellules cancéreuses et par les cellules immunitaires présentes dans le microenvironnement tumoral. Elles jouent un rôle central dans la genèse et l’entretien de la douleur inflammatoire.

Parmi les cytokines les plus impliquées, on retrouve :

  • IL-1β (interleukine 1 bêta),
  • IL-6, également impliquées dans d'autres symptômes du cancer comme la fatigue, l’anorexie ou la fonte musculaire,
  • TNFα (tumor necrosis factor alpha).

Ces substances sensibilisent les nocicepteurs (récepteurs de la douleur) et entrainent ainsi fréquemment : 

  • Hyperalgésie : une douleur exagérée par rapport à un stimulus normalement modéré ;
  • Allodynie : une douleur déclenchée par un contact normalement indolore (comme un vêtement, un drap ou un effleurement).

3. Les neuropeptides et le tétrasynapse

Lorsque les nocicepteurs sont activés, ils favorisent la libération de substances inflammatoires appelées neuropeptides (comme la substance P, ou le CGRP), qui créent une inflammation locale entretenue par le système nerveux lui-même : on parle d’inflammation neurogène.

Le signal douloureux est ensuite amplifié dans la moelle épinière, via un réseau de cellules appelé tetrasynapse, qui renforce encore la douleur même sans nouvelle agression. Ce phénomène est à l’origine d’une sensibilisation centrale.

4. Le NGF (Nerve Growth Factor)

Le NGF est une protéine de croissance produite autour de certaines tumeurs, notamment osseuses. En se fixant à son récepteur (TrkA) situé sur les nerfs, il déclenche :

  • une réaction nerveuse excessive (hyperexcitabilité neuronale) ;
  • une libération accrue de substances douloureuses (comme la substance P ou le CGRP) ;
  • une croissance de nouvelles terminaisons nerveuses autour de la tumeur.

Ces mécanismes rendent la douleur plus intense, durable et difficile à traiter. Il constitue aujourd'hui une cible thérapeutique, avec des traitements en développement comme le Tanezumab.


Fiche rédigée par Julia Franken et Camille Racca. Mise à jour le 14-06-2025. 

Sources :

  • Intervention de Bernard CALVINO au congrès de la SFETD 2024.
  • Schmidt BL et al.. Mechanism of cancer pain. Mol Interv. 2010.
  • Laird B et al. The systemic inflammatory response and its relationship to pain and other symptoms in advanced cancer. Oncologist. 2013.
  • Greten FR et al. Inflammation and Cancer: Triggers, Mechanisms, and Consequences. Immunity. 2019.
  • Ellis A et al. Neuroinflammation and the generation of neuropathic pain. 2013.